L’histoire de Val-Bélair
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L’histoire de Val-Bélair

L’histoire de Val-Bélair

Par Raynald Campagna

Société d’histoire de la Haute-Saint-Charles

Le 1er janvier 2002, la ville de Québec agrandit son territoire en fusionnant les 12 villes environnantes : Beauport, Cap-Rouge, Charlesbourg, Lac-Saint-Charles, L’Ancienne-Lorette, Loretteville, Saint-Augustin-de-Desmaures, Saint-Émile, Sainte-Foy, Sillery, Val-Bélair et Vanier. Quatre ans plus tard, les villes de l’Ancienne-Lorette et Saint-Augustin-de-Desmaures se défusionnent. La ville de Québec forme alors huit arrondissements.

Val-Bélair fait partie de l’arrondissement Le Laurentien avec Sainte-Foy et Cap-Rouge, de 2002 à 2009. Le 1er novembre 2009, le nombre d’arrondissements est réduit à six et l’ancienne ville de Val-Bélair passe à l’arrondissement de La Haute-Saint-Charles.

La Société d’histoire de La Haute-Saint-Charles couvre maintenant ce territoire. On s’est empressé de connaître l’histoire de cette ville en organisant un « Mercredi de l’histoire de la Haute-Saint-Charles ». [1]Dans son ouvrage sur Val-Bélair , [2]M. Yvan Chapdeleine raconte l’histoire de Val-Bélair, du début de Bélair ou Saint-Gérard-Majella jusqu’à une première fusion avec Val-Saint-Michel, d’où le nom de Val-Bélair. On y retrouve le témoignage d’une trentaine de personnes qui racontent leur vécu, de nombreuses photos et des détails très pertinents. Nous nous servirons de ce volume pour tracer les grands traits de cet article.

Selon le cadastre de Saint-Ambroise de 1873, on constate que le territoire de Bélair touche à trois vieilles seigneuries : à l’ouest, la seigneurie concédée à Guillaume Bonhomme en 1682 ; au centre, la seigneurie de Gaudarville; à l’est, la concession de Saint-Michel et des Grands-Déserts.

Pour assister aux offices religieux, les gens de Bélair avaient une bonne distance à parcourir pour se rendre à l’église de Loretteville, même si on prenait un raccourci en traversant en diagonale les 40 arpents[3]. Les autorités ont reconnu la nécessité d’ouvrir une nouvelle paroisse qui fut érigée canoniquement le 8 février 1909 sous le patronage de saint Gérard Majella qui venait d’être canonisé la même année. Le curé de Loretteville, Amédée Boutin, desservait cette population depuis deux ans. L’érection civile se fait la même année, le 7 mai, sous le nom de Bélair.

Qu’est ce qui poussait les gens de Québec ou de Loretteville à venir s’établir à Bélair ? Ce n’était pas pour y faire de l’agriculture, parce que le sol était rocailleux et impropre à la culture. C’était l’attrait du Mont Bélair et de la forêt où on retrouve, sur ce territoire incliné, d’inépuisables ruisseaux et des essences d’arbres très variées de feuillus et de conifères, et à cause des taxes peu élevées : 25 ¢ du 100 $ d’évaluation. On développa progressivement l’industrie du bois, de la fourrure et le service de buanderie.

Industrie du bois

En 1900, les gens de Saint-Gérard vivaient de l’industrie du bois qu’on va vendre à Québec ou à Loretteville pour le chauffage, la construction et la pulpe. Deux moulins à scie fonctionnaient : celui de Joseph Langevin du rang Saint-Michel et celui d’Albert Savard du rang Saint-Claude. En 1915, Charles Savard ouvrit son moulin à scie qui fonctionnait à vapeur sur le site actuel de l’école primaire du Val-Joli. Le gouvernement du Canada venait d’acheter des terrains pour l’établissement du camp militaire de Valcartier et permettait de couper du bois autant que désiré. Le moulin de Charles Savard fonctionnait jour et nuit. D’autres moulins s’ajoutèrent et connurent leur apogée en 1929. Les cordes de bois rangées dans la cour servaient de monnaie d’échange avec le boulanger, l’épicier ou pour échanger d’autres marchandises.

Industrie de la fourrure

emery-siouiIl y avait des chasseurs de métier, mais presque tout le monde chassait le petit et le gros gibier. On retrouvait l’orignal et le chevreuil qui s’éloignèrent progressivement vers la rivière des Pins et le parc des Laurentides. On a dû se contenter du petit gibier comme la perdrix et le lièvre qu’on retrouvait en abondance. Du côté sud-est on retrouvait des animaux à fourrure comme le vison, le renard et le rat musqué. En 1930, on vendait aux gens de Québec des peaux qui valaient 22 $ ou 23 $. Le prix élevé des peaux donna l’idée d’élever les animaux à fourrure en cage. On avait appris à nourrir et reproduire une vingtaine d’animaux dans des « ranchs ». Émery Sioui s’installa aux abords des 40 arpents et participa à la fondation d’une compagnie appelée « La fourrure de luxe de Québec ». Il était également « foreman » d’un ranch qui pouvait contenir mille têtes d’animaux à fourrure : renards jaunes ou argentés, visons, martres, pécans et rats musqués. En 1937, la peau de renard se vendait 7$. Ça ne valait plus la peine d’exercer ce commerce.

Service de buanderie

On dépendait de la ville pour la vente du bois et de la fourrure. On inventa un nouveau service : le service de buanderie. Déjà en 1885, François Beaumont marié à Angèle Hamel commença cebuandrie commerce. Chaque semaine, été comme hiver, à cheval, par des chemins mauvais, on se rendait à Québec pour porter le linge blanchi et en rapporter d’autre. Une distance de 21 milles qui prenait cinq heures. Mme Roméo Daigle, pendant la guerre de 1914-1918, lavait le linge de 65 familles au prix moyen de 1 $. Il fallait tirer l’eau du ruisseau, se frayer un chemin dans la neige ou la glace pour remplir la cuve à mesure que l’eau s’évaporait, puis charrier le bois pour alimenter le feu du fourneau. Il fallait faire sécher le linge et le repasser. L’instrument du lavage était le légendaire « berceau » qui a laissé sa place à des laveuses actionnées par des engins à gazoline en 1940. En 1926, c’était la plus grande industrie de la place. Trois familles sur quatre vivaient principalement du lavage effectué pour les gens de la ville. Après la 2e guerre mondiale, les jeunes générations préférèrent aller travailler en ville.

Fondation de ville Saint-Michel

1933 fut l’année de fondation de la municipalité de Val-Saint-Michel, à même le territoire de Saint-Gérard-Majella. En 1922, une cinquantaine de familles venaient passer l’été à la station Saint-Michel, à proximité d’un train, près de la gare du chemin de fer, du bureau de poste et de l’épicerie Duchesneau. Les villégiateurs demandèrent à l’abbé Georges Darveau, nouveau curé de Saint-Gérard, de venir dire la messe dominicale dans la petite chapelle qu’ils avaient érigée sur le site du temple actuel. Des signes de mésentente commencèrent à se soulever entre les gens d’hiver et les gens d’été. Ces derniers acceptaient mal que les familles de la place préfèrent assister à la messe dans la petite chapelle plutôt que de franchir une distance de trois à quatre milles pour se rendre à l’église de Saint-Gérard. Des tiraillements inévitables commencèrent à se pointer entre les gens d’été et l’administration municipale. Le taux de taxes était le même pour les villégiateurs qui charles-cantinn’habitaient le territoire que pendant deux ou trois mois. Ils demandèrent à l’administration d’améliorer la route. La Ville demanda un octroi de 250 $ à la condition que les gens d’été s’engagent à payer la totalité des coûts. Un gros groupe sous la direction de Charles Cantin demande de former une municipalité indépendante. Thomas Savard, qui demeurait sur le chemin Saint-Michel, prit la tête des opposants pour protéger l’intégrité du territoire et profiter des taxes que rapportaient les riches villégiateurs. Les deux parties courtisaient les politiciens pour appuyer leur position. On finit par s’entendre sur le compromis suivant : les propriétaires fonciers pourront garder leur statut de résident de la municipalité de Saint-Gérard ou s’annexer à la nouvelle ville. Le 13 avril 1933, le bill 73 créait la ville de Val-Saint-Michel. Elle comptait 91 propriétaires (résidents ou non) pour une population d’environ 300 personnes éparpillées sur un territoire d’un mille carrés. Les premières réunions se tenaient à Québec. Lors de la première réunion, on établit le taux de taxes à 25 ¢ du 100 $ d’évaluation, mais l’évaluation était vite faite. Un chalet était évalué à un maximum de 1500 $. Il apparaît que Val Saint-Michel fut fondée pour échapper à la taxation de Saint-Gérard et créer une villégiature à prix modique. M Charles Cantin avait été élu maire de cette nouvelle ville. Il achetait des grandes terres et vendait des lots à profit. Grâce à son influence personnelle, il avait réussi à obtenir un octroi pour la poursuite des travaux sur le boulevard Pie Xl. Cependant cet octroi obtenu en 1933 était un compromis politique servant à l’emploi des chômeurs cantonnés au camp Valcartier qui étaient surnommés les « vingt cennes »[4] . Les résidents de Saint-Gérard voyaient s’envoler leur gagne-pain. En 1934, Charles Cantin obtenait un octroi pour construire la Place Cantin. Il s’agissait d’aménager une plage et de rédiger une dame de bois pour élever ou descendre le niveau d’eau. Ce lac artificiel mesurait de 600 à 700 pieds de longueur et comprenait une île dans son milieu. Cette plage attirait les villégiateurs et a atteint son apogée vers les années 1949-1950. Ce site avait été construit par les « vingt cennes ». La crise des années trente affecta davantage les habitants de Saint-Gérard, alors que Val-Saint-Michel était une ville d’été.

La Deuxième Guerre mondiale

La Deuxième Guerre mondiale survint avec ses coupons de rationnement sur le beurre, le sucre et les boissons. Le camp militaire se mit à bourdonner d’activités. Les militaires arrivaient de partout et on manquait de main-d’œuvre. Une famille sur deux – (hommes ou femmes) trouvait de l’emploi à l’arsenal de la Base pour la fabrication de munitions.

Pendant ce temps, Val-Saint-Michel profita de la proximité de la Base militaire. En dix ans, la population passait à 1 200 habitants. Val-Saint-Michel recevait les familles des militaires et des travailleurs civils qui œuvraient au centre de recherche qui employa jusqu’à 1 000 personnes. Cette migration de nouveaux résidents changea la mentalité de la ville. Au lendemain de la guerre, un groupe de citoyens décida de contrer l’influence de Charles Cantin. Ce dernier, soutenu par les villégiateurs, avait réussi à se faire réélire à la mairie par deux voix de majorité à l’élection de 1949. En 1950, on établit un nouveau mode d’évaluation basé sur les dimensions des terrains et des immeubles. À l’élection de 1951, la population porta à la mairie un résident, M. Télesphore Boissinot.

Pendant cette période, la municipalité de Saint-Gérard profita du phénomène qu’avait connu Val-Saint-Michel depuis les années 30 en débordant du côté sud. Vers 1950, la municipalité comptait 300 chalets pour 500 résidents, alors qu’en 1960, la répartition était passée à 50 %. Le taux de taxes était bas en comparaison avec d’autres villes de la banlieue. L’accès à la propriété était facile, la réglementation était à peu près inexistante ou très large d’application.

Vers 1962, une enquête économique commandée par le gouvernement provincial-désignait Saint-Gérard comme zone sous-développée. Les compagnies prêteuses refusaient d’investir. Les problèmes de croissance engendreront celui d’endettement que devront affronter les conseils des deux quartiers. Le problème d’argent amènera l’intervention gouvernementale qui imposera une conception nouvelle de la municipalité municipale. Les nouveaux arrivés prirent conscience des retards de la municipalité dus au laisser-faire du Conseil qui était rebelle aux dépenses. La ligue des propriétaires faisait pression pour obtenir le statut de ville. Le gouvernement provincial de 1960 parlait d’offrir des subventions municipales aux municipalités qui désiraient se doter de services de meilleures qualités, surtout dans le domaine des routes, de l’aqueduc et des égouts. La municipalité fit construire les premières unités d’aqueduc. L’amélioration des services amenait des hausses de taxes. En 1973, le taux de taxes des quartiers de Val-Bélair et de Saint-Michel était parmi les plus élevés du Québec Métropolitain (5,46 $ par 100 $ d’évaluation pour Bélair et 5,95 $ pour Val-Saint-Michel).

Plusieurs projets d’association furent avancés, dont le projet du maire Lamontagne de créer quatre unités de regroupement coiffées au sommet par la communauté Urbaine de Québec. Sainte-Foy devait être fusionnée aux municipalités de l’Ancienne-Lorette, de Saint-Augustin, de Bélair et de Val Saint-Michel. Ce projet a traîné en longueur. Devant la menace de l’association en quatre unités, un mouvement prit la forme d’un vague désir des petites municipalités environnantes de s’unir entre elles. On retrouva à une même table les représentants de Val-Saint-Michel, Bélair, Loretteville, L’Ancienne-Lorette et Saint-Émile. Les Conseils consentaient à s’épauler et à se regrouper pour s’opposer au projet d’une union à Sainte-Foy. Chacun prônait un référendum avant de s’engager.

Percevant ces mouvements d’opposition, le Ministre Tessier des Affaires Municipales intervint en janvier 1973. « Si la fusion avec Sainte-Foy n’est pas réalisée avant deux mois, cette fusion sera décrétée unilatéralement par un Arrêté en Conseil » disait-il. L’ultimatum ne s’est pas réalisé. Le Dr Victor Goldbloom, qui a remplacé le ministre Tessier, prônait une politique parlant de fusions volontaires plus restreintes au besoin et plus graduelles. Un comité de pression fondé officiellement en juillet 1973, dirigé par M. Maurice Ouellette, réunit les membres des Conseils des deux municipalités pour leur faire prendre conscience de l’importance de se grouper pour influencer efficacement les décisions gouvernementales. Le mérite des élus municipaux fut d’avoir su exploiter le moment favorable en vue d’une fusion et d’avoir opéré rapidement. On pensait que les premiers regroupements « volontaires » seraient reçus favorablement par le ministre Goldbloom. Au début de 1973, le ministère des Affaires Municipales permettait de faire débloquer des subventions pour les deux villes, mais on mentionnait que ces subventions étaient conditionnelles à la bonne marche de la fusion entre les deux municipalités.

Malgré le désir des hauts fonctionnaires qui prônaient depuis sept ans une fusion avec Sainte Foy, le processus de fusion entre les deux villes se réalisera en quelques mois. En avril 1973, les officiers des deux Conseils de ville réunis avec leur conseiller juridique commun, la firme Pinsonneault et associés, se réunirent pour établir certains consensus. La fusion fut légalisée par l’Arrêté en Conseil no 4516-73 du Cabinet du Ministre le 5 décembre 1973. La fusion entrait en vigueur le 1er janvier 1974. Les lettres patentes fusionnaient la ville de Bélair et la ville de Val-Saint-Michel et créait une nouvelle municipalité de ville sous le nom de « Ville de Val-Bélair ».

La fusion a permis d’empêcher la fusion des deux villes à Sainte-Foy ; de régler les problèmes d’anomalies créés par la situation géographique de Val-Saint-Michel à l’intérieur de Bélair, d’harmoniser les règlements municipaux, d’égaliser le fardeau fiscal des citoyens, de le soulager en le réduisant au niveau moyen du Québec Métropolitain.

Les subventions de plus d’un million annoncées verbalement par le parti libéral pour effacer la dette n’ont pas été honorées par le Parti Québécois qui a pris le pouvoir en 1976. [5]Les finances s’embourbent et la ville est mise brièvement sous tutelle pendant quelques années. Vers les années 1980, la Ville est même sujette à des sarcasmes des humoristes.

Cependant, suite à une campagne de promotion importante et au slogan « Val-Bélair, ville de la nature », les infrastructures municipales sont améliorées, la ville est embellie par les arrangements floraux dans plusieurs artères et la population développe un sentiment de fierté. Les années 1990 amènent une expansion de la population qui passe de 11 000 à plus de 22 000 habitants en 2002.

claude-beaudoinClaude Beaudoin, maire pendant près de vingt ans, a su développer de nouvelles infrastructures au niveau sportif et culturel. Plusieurs commerces viennent s’installer sur l’artère principale, le boulevard Pie-Xl. Val-Bélair devient progressivement une banlieue où bon nombre de jeunes familles viennent s’établir tout en travaillant à l’extérieur des limites de la ville. L’autoroute Henri-IV est venue faciliter la circulation.

Le Mont-Bélair, avec ses 485 mètres au-dessus du niveau de la mer, deviendra un site important. Le schéma d’aménagement de la Ville de Québec prévoit l’acquisition d’une partie du territoire afin d’aménager un parc Nature de 560 hectares permettant les activités de plein air sur le site, ce qui en ferait le plus grand parc de la ville de Québec.

Nous sommes heureux de retrouver Val-Bélair dans l’arrondissement de La Haute-Saint-Charles. Avec les aménagements que la ville de Québec entreprend sur le Mont Bélair, notre arrondissement deviendra encore plus vert.

Armoires et logo de la Ville de Val-Bélair

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[1] Lors de ces Mercredis de 1’histoire, l’animateur projette sur écran des manuscrits, articles de journaux, photos, donne quelques explications et demande aux participants de s’exprimer sur le sujet.
[2] Yvan CHAPDELEINE, Val-Bélair : hier et aujourd’hui, Val-Bélair, Chambre de commerce, 1975, 94 [14] p.
[3] Les 40 arpents est un territoire concédé par les Jésuites aux Hurons en 1742, situé au nord de Sainte-Geneviève, via la Longue queue, c’est-à-dire le boulevard Saint-Claude.
[4] Les employés ne recevaient que ce salaire par jour en plus de la nourriture et du logement. On se rappelle le Soldat Lebrun qui a composé une chanson intitulée « Les 20 cennes ».
[5] Le texte qui suit est extrait du Site Internet Wikipédia, Val-Bélair.]]>

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